La Loi Travail édulcorée par le gouvernement avant son passage en force à l’Assemblée en mai dernier, a subi un nettoyage libéral au Sénat dominé par la droite. Mais cette version a peu de chance de survivre à la navette parlementaire.
Ce qui s’est passé cette semaine au sénat donne un aperçu du débat qui va opposer la gauche et la droite dans la perspective très prochaine de l’élection présidentielle. Après avoir délibérément provoqué les syndicats début mars en présentant un projet de réforme du Code du Travail digne de Margaret Thatcher, François Hollande s’est posé, depuis, comme le seul rempart possible à la dérive ultra-libérale promise par ses adversaires LR en course pour l’Elysée. La mouture finale que le président avait soumis aux députés prétendait préserver l’essentiel de l’héritage socialiste en garantissant un seuil légal de la durée du travail à 35 heures, sous réserve d’accords entre employeurs et syndicats dans l’entreprise. Sous la pression de la CFDT, Valls avait également consenti à supprimer le plafonnement obligatoire des indemnités accordées par les prud’hommes aux salariés victimes d’un licenciement abusif. Malgré ces deux reculs mal encaissés par le Medef, le texte n’avait pas rallié les députés frondeurs au sein de la majorité PS et le gouvernement a dû employer la procédure du 49.3 pour faire passer sa réforme.
Sans grande surprise, ces deux mesures ont été rétablies par les sénateurs. Mais ce n’est pas tout : la majorité de droite supprime les 35 heures en tant que durée de référence et donne tout le pouvoir aux entreprises dans la définition d’un réaménagement (à la hausse) du temps de travail hebdomadaire. Elle compte donc pousser à l’extrême la logique établie par l’article 2 de la Loi Travail, tant contesté par les syndicats, qui donne la primauté à l’accord d’entreprise sur les règles définies au niveau de la branche dans le cadre des conventions collectives. Dans le texte actuel, adopté en mai, les 35 heures restent la norme en cas d’absence d’accord. Dans la version des sénateurs, ce plancher est relevé à 39 heures.
Rappelons que c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier sur le contenu définitif de la Loi Travail, en seconde lecture. Ce baroud libéral lancé par les sénateurs est donc promis à l’échec, mais il a le mérite de dégager des divergences assez claires avant 2017.