On stigmatise les auto-entrepreneurs pour lutter contre le travail au noir, les sénateurs proposent un nouvel amendement concernant les bénéficiaires du statut qui simplifie la création d’entreprise. Toutefois, le nouveau régime est une porte ouverte à un autre type de fraude dont l’auto-entrepreneur peut cette fois-ci devenir la principale victime : le salariat déguisé.
On accuse régulièrement les auto-entrepreneurs de représenter une concurrence déloyale au travail des artisans. Par peur de voir les bénéficiaires du jeune statut dissimuler une partie de leur activité pour continuer à profiter d’un régime fiscal et social avantageux, les sénateurs soumettent même un amendement destiné à mieux encadrer l’auto-entreprise.
Mais les abus ne sont pas qu’à traquer du côté des auto-entrepreneurs. Des témoignages de plus en plus nombreux montrent par exemple l’intérêt malsain et croissant des chefs d’entreprise pour le jeune statut.
Les exemples dans la restauration, où l’on demande à des serveurs ou à des plongeurs de créer leur auto-entreprise pour travailler, seraient légion, mais finalement tous les salariés qu’un chef d’entreprise hésite à passer en CDI après un ou plusieurs contrats en CDD sont potentiellement concernés. Les stagiaires aussi, comme les demandeurs d’emplois à qui l’auto-entrepreneuriat est présenté comme une période d’essai qui risque malheureusement de ne jamais aboutir.
L’objectif de ce salariat déguisé est simple : c’est à l’auto-entrepreneur de payer les charges qui incombent normalement à l’employeur, et l’ancien salarié renonce aux congés payés et à la stabilité de son emploi (du jour au lendemain, aucun motif n’est nécessaire pour ne plus faire appel à ses services).
2. Salariat déguisé et code du travail
Evidemment, il ne faudrait pas voir le mal partout, et certains salariés sont très heureux de pouvoir lancer leur entreprise en sachant qu’ils peuvent compter sur leur ancien employeur pour leurs premières prestations, mais de nombreuses situations paraissent plus subies que décidées d’un commun accord.
« Je ne tolérerai pas que ce statut soit dévoyé. (…) Les contrôles des Urssaf et de l’inspection du travail seront très fermes (et) nous ferons une évaluation sur ce point », explique Hervé Novelli dans une interview accordée aux Echos. « Quand il y a une substitution entre contrat de travail et auto-entrepreneuriat (…) le problème de la légalité se pose ».
D’après le code du travail et les règles de l’assujettissement qu’il établit, « l’existence d’un contrat de travail peut être établie (lorsqu’une personne fournit) directement (..) des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci » (Article L8221-6)
En d’autres termes, l’URSSAF peut requalifier le contrat qui lie l’employeur et l’auto-entrepreneur en contrat de travail.